Analyse paléogénétique sur des squelettes de la culture de Michelsberg en Allemagne

La culture de Michelsberg s’étend dans l’ouest de l’Europe Centrale entre 4400 et 3600 av. JC. Les traces d’habitations sont rares et aucun cimetière n’a encore été détecté à l’inverse des cultures précédentes comme la culture de la Poterie Linéaire, la culture de Hinkelstein, ou la culture de Rössen. Une caractéristique de la culture de Michelsberg est l’existence d’enclos limités par des fossés et des murs circulaires. Leur fonction est sujet à discussions mais on sait cependant que ce n’était pas des structures défensives, mais plutôt des structures sociales ou cérémoniales. Ils sont de préférence situés en haut des collines et devaient marquer le paysage.

L’enclos de Bruchsal-Aue en Allemagne a été fouillé entre 1987 et 1993. Il est constitué de trois fossés avec de nombreux passages, qui encerclent le sommet de la colline. Le centre de l’enclos est vierge de tous restes archéologiques probablement à cause de l’érosion. A l’inverse les fossés ont produit beaucoup de céramiques, d’os d’animaux dont des crânes d’aurochs. Les restes humains se répartissent sur quatre tombes individuelles et deux tombes multiples comprenant trois et neuf individus. Toutes ces tombes se situent dans le fossé externe. Quelques os humains ont également été découverts dans le remplissage des fossés indiquant ainsi des rites funéraires complexes.

Marcel Keller vient de publier un papier intitulé: United in Death—Related by Blood? Genetic and Archeometric Analyses of Skeletal Remains from the Neolithic Earthwork Bruchsal-Aue. Son étude se concentre sur l’une des deux tombes multiples qui contient neuf squelettes dont six enfants de moins de six ans situés autour de deux hommes adultes d’environ 30 à 35 ans. Ces 8 squelettes ont probablement été enterrés en même temps. Un septième enfant de 4 à 5 ans a été enterré par la suite par dessus:
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Le seul mobilier archéologique situé dans la tombe est un coquillage de mer porté en collier sur un enfant. Les deux hommes adultes de la tombe montrent des signes communs dans la morphologie de leur crâne qui semblent indiquer une parenté étroite.

Deux tombes individuelles se situent juste à côté de cette tombe multiple. Elles ont fait également l’objet d’une analyse.

Les datations radiocarbones montrent que la sépulture des 8 premiers individus de la tombe date entre 3956 et 3800 av. JC. Le septième individu déposé par dessus date entre 3810 et 3700 av. JC. La stratigraphie indique de plus que les deux tombes individuelles datent à peu près de la même époque.

La détermination du sexe de ces individus a été faite en fonction de la morphologie du squelette et par l’analyse de l’ADN. Les résultats sont dans la table ci-dessous:
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Les deux hommes de la sépulture multiple sont BrA3 et BrA7. Les six enfants associés sont BrA2, BrA4, BrA5, BrA6, BrA8 et BrA9. L’enfant situé au-dessus est BrA1. Enfin les deux tombes individuelles renfermaient BrA10 et BrA11 qui sont une femme et un homme.

Aucun des individus ne montre les circonstances de la mort. La seule blessure détectée est une phalange de la main de BrA3 qui est cassée.

L’analyse des tests mitochondriaux a été faite sur la région HVR1 et sur un SNP de la région codante situé à la position 7028 permettant de discriminer l’haplogroupe H. Neuf résultats ont été obtenus:
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La table ci-dessus donne également les séquences correspondant aux scientifiques (I1 à I3) et aux archéologues (A1 à A6). Les deux hommes adultes BrA3 et BrA7 ont le même haplotype de l’haplogroupe J1c. Les deux enfants BrA4 et BrA5 ont également le même haplotype d’haplogroupe U5a. De même les enfants BrA2 et BrA9 ont le même haplotype d’haplogroupe K1a. Ces résultats suggèrent donc des relations de parenté maternelles entre certains des individus de cette tombe multiple.

Les tests d’ADN du chromosome Y ont porté sur 17 marqueurs STR. Les résultats obtenus sont seulement partiels:
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Seuls les individus BrA3 et BrA7 montrent des résultats sur plus de trois marqueurs. Ils semblent avoir le même haplotype: DYS385a=16, DYS389.1=14, DYS391=10, DYS393=13, DYS456=14, DYS458=16. Le prédicteur de Whit Athey indique que cet haplotype correspond à l’haplogroupe E1b1b avec une probabilité de 82,5%. Le prédicteur de nevgen.org indique une probabilité de 81,1% pour l’haplogroupe T-L131. L’haplogroupe E1b-V13 a déjà été détecté chez un individu du Néolithique Ancien en Espagne et l’haplogroupe T1a chez deux individus du Néolithique Ancien en Allemagne. Ces résultats partiels ne permettent donc pas de déterminer l’haplogroupe du chromosome Y de ces individus avec certitude.

Ensuite des tests de quelques marqueurs STR autosomaux ont été effectués. Seuls les individus BrA3, BrA7 et BrA10 ont donné des résultats:
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Ces résultats indiquent que les deux hommes BrA3 et BrA7 sont probablement des frères avec une probabilité de 59,2%. Ils ont le même haplogroupe mitochondrial J1c et peut-être le même haplogroupe du chromosome Y.

Une analyse du taux isotopique du carbone et de l’azote a également été faite pour estimer la diète des individus:
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Ces résultats montrent que ces individus devaient manger un mélange de plantes C3, d’animaux domestiques et de poissons d’eau douce.

Enfin une analyse du taux isotopique du strontium permet de savoir si les individus sont d’origine locale ou pas. Trois individus ont une valeur supérieure à la limite supérieure pour une origine locale et ont pu venir d’ailleurs:
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