Structure génétique des populations de l’ouest des Balkans

Voici un papier intéressant de Lejla Kovacevic intitulé: Standing at the Gateway to Europe – The Genetic Structure of Western Balkan Populations Based on Autosomal and Haploid Markers.

La péninsule Balkanique a été continument peuplée par l’homme moderne depuis le paléolithique supérieur. Cette région a probablement été la porte d’entrée vers l’Europe pour les premiers colonisateurs, ainsi qu’une zone de refuge durant les ères glaciaires. La transition néolithique a du être complexe dans cette région. Au début du second millénaire av. JC., les Balkans étaient peuplés par des tribus Illyriennes. Plus tard, ils furent le berceau des civilisations grecques et byzantines. La scission de l’empire romain en l’an 395 a partagé la région en deux parties. Elle servait également de frontière entre les peuples civilisés et les barbares. Les Wisigoths sont arrivés dans les Balkans en l’an 410. Plus tard, les slaves ont occupé le nord du bassin du Danube, puis ont continué vers le sud. Une partie des Illyriens a été assimilée, une autre s’est déplacée vers le sud, dans l’Albanie actuelle. Ensuite les tribus Mongoles sont arrivées des plateaux de l’Asie Centrale (Huns et Avars). Entre le 15ème et 19ème siècles, les Balkans ont été sous domination de l’empire Ottoman. Aujourd’hui, les Balkans sont habités par plusieurs groupes ethniques de différentes religions, et différentes langues. Tous ces groupes appartenaient autrefois à l’ancienne fédération yougoslave et ont partagé une histoire commune jusqu’au conflit des années 1991 et 1992:
2014 Kovacevic Figure 1

Ces dernières années des premières études génétiques ont été effectuées dans la région. Ainsi 70% des lignages paternels de l’ADN du chromosome Y appartiennent aux haplogroupes suivants: E-M78, I-P37(xM26), J2, R1a et R1b. Les principaux haplogroupes mitochondriaux appartiennent au pool génétique ouest eurasien.

L’objectif de cette étude est de caractériser le pool génétique autosomal de 8 populations de l’ouest des Balkans, appartenant à 6 pays: la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Serbie, la Macédoine, le Monténégro et le Kosovo. Pour cela, 70 individus de cette région ont été testés sur leur ADN autosomal. Les résultats ont été ajoutés à 20 échantillons de Croatie préalablement testés, et comparés à 695 individus d’autres régions du monde.

L’analyse a été réalisée avec le logiciel ADMIXTURE. Les résultats montrent que les populations des Balkans se placent naturellement entre les populations du Moyen-Orient et les populations du reste de l’Europe. Elles sont plus proches des populations de l’est des Balkans et du sud de l’Europe:
2014 Kovacevic Figure 2

Le coefficient K=3 permet de séparer les composantes africaines (marron), européenne (bleu) et asiatique (jaune). La composante africaine est absente des échantillons de l’ouest des Balkans et la composante est-asiatique est présente uniquement sous forme de trace. Le coefficient K=4 fait apparaître la composante sud-asiatique en vert qui est également quasiment absente des échantillons de l’ouest des Balkans. A K=5 apparait la composante orange du Moyen-Orient, à K=6 la composante bleue claire européenne et K=7 la composante marron clair du Caucase. La structure la plus parlante pour les populations de l’ouest des Balkans est obtenue pour K=7 (figure ci-dessus) avec 3 composantes ancestrales dominantes: sud-ouest européenne, européenne et Caucase. Le profil génétique des trois groupes ethniques de Bosnie est quasiment identique. Les populations de l’ouest des Balkans ont plus d’affinités avec les populations du sud de l’Europe qu’avec les populations de l’ouest de l’Europe plus éloignées. La composante sud-ouest européenne est négligeable dans les populations des Slaves de l’est: Ukraine, Biélorussie et Russie du nord-ouest. Dans l’ouest des Balkans, la composante caucasienne augmente lentement vers le sud-est. Sa diffusion représente probablement le flux génétique du Moyen-Orient vers l’Europe, via la péninsule Balkanique.

L’Analyse en Composantes Principales montre qu’il n’y a pas de sous-structure dans la populations de l’ouest des Balkans, mais plutôt une continuité liée à la position géographique des différentes populations. Ces populations forment un pont entre les populations slaves est européennes, de l’est des Balkans et du Moyen-Orient.

Une analyse basée sur le logiciel TreeMix a également été réalisée. Les populations de l’ouest des Balkans tiennent une position centrale sur cet arbre, entourées par les populations de l’est des Balkans et du sud de l’Europe d’un côté et des populations slaves de l’est de l’autre côté. Ce résultat est consistant avec une diffusion géographique des populations étudiées et reflète un flux de gène entre régions voisines.
2014 Kovacevic Figure 6

Les événements migratoires (flèches rouge et orange) les plus probables sont dirigés vers l’est des Balkans (Roumanie et Bulgarie). Il y a également d’autres événements migratoires comme celui dirigé du nœud entre Bulgares et Toscans vers la Macédoine, ou celui dirigé du nœud entre Kosovars et grecs vers les Bosniens.

175 individus des deux sexes de l’ouest des Balkans ont été testés pour leur ADN mitochondrial, Seules les régions HVR1 et HVR2 ont été testées. Seules 7 échantillons ont été complètement séquencés. L’haplogroupe H est le plus fréquent (38,9%) représenté essentiellement par les sous-clades H1, H5, H3 et H11. L’haplogroupe suivant est U (19,4%) dont la sous-clade K1 est la plus fréquente. L’haplogroupe J représente 11% des échantillons, et l’haplogroupe T seulement 5,7%.

85 hommes parmi ces individus ont été testés pour leur ADN du chromosome Y. Comme cet ensemble est trop faible pour obtenir une bonne statistique, des échantillons d’autres études ont été ajoutés. Les résultats sont les suivants:
2014 Kovacevic Table 6.12014 Kovacevic Table 6.22014 Kovacevic Table 6.3L’haplogroupe E-V13 varie de 8 à 31% des individus selon la région considérée, l’haplogroupe I2a-M423 varie de 9 à 70%, l’haplogroupe J2 varie de 2 à 20%, l’haplogroupe R1a varie de 0 à 29% et l’haplogroupe R1b varie de 3 à 17%.

Génétiquement, les différentes populations de l’ouest des Balkans sont très similaires. Elles sont proches de leur voisins géographiques et se situent en position intermédiaire entre les populations du Moyen-Orient et les autres populations européennes.