Source Sylvain Poujol
Lettre ouverte aux descendants de Jean Baptiste Raimond MAUGÉE dit Ernest
Ernest MAUGÉE descendait par sa mère de Jean Baptiste VARIN DOYER qui était lui-même fils de Jeanne Marthe THIERRY, décédée au Gros-Morne en 1768. Cette dernière avait pour bisaïeul François THIERRY, fils de Robert marié à Jeanne FONTENEAU (voir tableaux d’ascendance à la fin de l’article et page 444 de GHC).
Vous êtes donc de descendance directe de ce Robert THIERRY, à travers 9 générations sur 3 siècles environ.
Maître ROCHERY, notaire à Trinité, a établi les droits des héritiers de Robert THIERRY, de la Martinique, à l’occasion d’une donation faite par Marguerite FOUCHÉ, veuve de Jean François LESAGE du Gros-Morne. Petite-fille de François THIERRY, elle descend donc de Robert THIERRY.
Dans cet acte de donation du 12 septembre 1784, il est écrit que dame FOUCHÉ donne « tous les biens (…) qu’elle peut avoir et prétendre en la succession de feu le sieur Jean THIERRY de Venise (…) du chef du sieur Robert THIERRY et de dame Jeanne FONTENEAU ses bisaïeuls, établis en cette isle (…) ainsi que le tout y sera constaté sur la filiation et arbre généalogique qui a été dressé par Maître ROCHERY sur les actes de baptême, mariage et sépulture de la dite famille Jean THIERRY de Venise (…) le 15 juillet dernier. » Cet acte du 15 juillet 1784 est manquant.
Qui était donc ce Jean THIERRY ? Voici ce que j’ai appris : il était né à Chateau-Thierry en Champagne vers 1589, fils de François et de Françoise BRICOT dont il était le sixième enfant (mais combien survécurent ?).
Considérant « qu’il n’avait pas de bien à attendre de sa maison », il partit tenter fortune en Italie. Etant garçon d’hôtellerie, il fut embauché par un riche marchand grec, Athanase TIPALDI, qu’il seconda dans ses affaires.
Par testament du premier août 1636, fait à Corfou, dépendant de Venise, Athanase TIPALDI, qui n’avait pas d’enfant, laissa tous ses biens (écus, maisons, vaisseaux, etc.) à Jean THIERRY.
Restant à Corfou, ses biens fructifièrent, essentiellement par le négoce sur mer. Sur ses vieux jours, le 10 février 1654, il testa en faveur de ses neveux et nièces et, à défaut, de ses cousins descendants de ses oncles : Pierre (la branche de Bâle) et Claude (la branche de Lorraine).
Voici quelques extraits de son testament:
« a comparu devant moi SANTODINA, notaire public de la ville de Corfou et de tous les états de la Seigneurie de Venise, le sieur Jean THIERY, diocésain de Reims, marchand, fameux négociant par mer, lequel a déclaré vouloir faire son testament en me signifiant à moi sa dernière volonté, voulant se retirer à Venise et y vivre et mourir dans sa maison (…) et, comme l’heure de notre mort est aussi peu certaine que notre mort est certaine, à cet effet, dès ce moment, il veut donner son âme à Dieu, son corps à la terre et disposer de ses biens selon son bon plaisir et conformément à sa conscience. »
Il décrit ensuite sa famille et raconte sa vie et rappelle le testament de son ancien « Maître et bienfaiteur ».
Il ajoute : « J’ai fait mon testament à Corfou pour ne donner aucun soupçon et connaissance à personne de mes biens, richesses et fortune, pour n’être point inquiété par mes parents pendant le peu de vie qui me reste, parce que je veux la passer à panser les pauvres malades par charité, ayant appris plusieurs secrets dans le cours de mes négociations par mer. »
Il demande, pour le repos de son âme, six mille messes : il laisse ses habits aux pauvres et charge ses héritiers de donner deux mille écus à l’église de Chateau-Thierry. Après différents dons à l’église Saint-Spiridion de Corfou, aux hôpitaux de Venise et à son confesseur, il laisse tout le reste de ses biens à ses véritables et légitimes héritiers.
L’acte est signé Jean THIERY manupropia et le tout scellé de l’image de Saint Marc.
Il mourut en 1676 et un inventaire de ses biens fut délivré par l’exécuteur testamentaire : il possédait trois maisons proches du palais du Doge à Venise, deux maisons à Corfou et une ferme près de Padoue. Sont aussi inventoriés un sac d’or en lingots (valant trente et un millions de livres), 5 barils de poudre d’or, 2 boîtes de pierreries précieuses, des ducats vénitiens, des louis d’or. Il possédait en outre 3 vaisseaux marchands chargés d’une valeur de six millions de livres.
Du point de vue mobilier : 6 carrosses et calèches, 2 caisses d’argenterie, 6 cassettes de chandeliers d’argent, de nombreux meubles dont 17 lits, 41 miroirs, 10 armoires et commodes et 100 fauteuils ornés d’or et d’argent.
Si l’on ajoute 800.000 écus placés à la banque de la monnaie de Venise, les loyers des maisons et les intérêts, on arrive à la somme fabuleuse de 82.189.000 livres.
Que se passa-t-il ensuite ?
Le sénateur MORA, de Venise, gagnait aussitôt Paris où il eut malheureusement affaire à trois commis des finances qui ne pensèrent qu’à l’escroquer. Ces fonctionnaires, après avoir fait disparaître toutes traces de François THIERRY et de Françoise BRICOT, parvinrent à se faire remettre un brevet de Louis XIV qui, usant du droit de déshérence, leur faisait don de la succession. Puis, s’étant rendus à Venise,
les trois escrocs acceptèrent une transaction aux termes de laquelle une rente de 1.040.000 livres devait leur être versée chaque année, ce qui dura de 1679 à 1688.
Entre temps, les THIERRY, s’étant réveillés, dénonçaient au roi la machination et par contumace obtenaient la condamnation des escrocs. Ils demandaient ensuite à être envoyés en possession de l’héritage de leur bon oncle Jean. Ce fut seulement en 1784 que le Conseil du Roi retint les prétentions de trois groupes d’héritiers et ce fut le Directoire qui passa aux actes. Par lettre missive, il ordonna à Bonaparte qui, à la tête de son
armée, venait d’entrer à Venise, de se saisir de la succession THIERRY. Le général victorieux n’y manqua pas et, le 18 prairial an V (6 juin 1797), il rendait compte de l’exécution de cet ordre :
« Tous les fonds de la succession THIERRY sont entre nos mains, la République française est en droit d’en disposer selon ses intérêts. »
Mais la République française à Venise, c’était lui; le Directoire était, pour ses troupes glorieuses, plus prodigue de félicitations que d’argent et l’héritage de THIERRY fut comptabilisé en chaussures pour les va-nu-pieds héroïques, en chevaux pour leurs officiers, en vivres et en uniformes. Quand le Directoire réclama l’argent, il était déjà dépensé en son nom. Bonaparte ne put le rendre.
Cela n’empêcha pas le Tribunal de la Seine, le 31 mai 1831, de reprendre la décision du Conseil du Roi de 1784 homologuant le testament au profit des héritiers. Les régimes se succédaient ainsi que les décisions de justice, sans amener l’Etat à s’exécuter. En 1891, une pétition était déposée sur le bureau de la Chambre des Députés et cette Assemblée demanda au ministre des Finances de prendre enfin une décision.
Tableau d’ascendance complétant celui publié en page 444
19 Louise VARIN DOYER o Trinité (Martinique) 1769
38 Jean Baptiste VARIN DOYER x Sainte-Marie 1768
39 Françoise BARBIER o 1734
76 Robert VARIN DOYER, habitant de Trinité
77 Jeanne Marthe THIERRY + Sainte Marie 1768
78 Richard BARBIER o Carbet 1693 x Sainte-Marie 1725
79 Madeleine ROMANET o Sainte-Marie
154 Mathurin THIERRY lieutenant de grenadiers à Gros-Morne
155 Jeanne Elisabeth SERVANT (ou SERRANT)
156 Jean BARBIER dit LE PICARD, sergent de milice
157 Jeanne CHATENAY
158 Jean ROMANET cornette de cavalerie + Sainte-Marie 1725
159 Elisabeth BIROT
308 François THIERRY o 1633
309 Catherine SOUDAIS (ou SUEDOIS) o 1655
616 Robert THIERRY
617 Jeanne FONTENEAU (ou FONTEREAU)
618 Mathurin SUEDOIS (?)
619 Germaine N o 1621
Sources
– Archives d’Outre-mer
– « Personnes et familles à la Martinique » de Jacques Petitjean Roget et Eugène Bruneau-Latouche
– « Les héritiers champenois de Jean THIERRY » de P. Damagnez, in Bulletin n° 27 du Centre généalogique de Champagne.
G.H.C. Numéro 37 : Avril 1992 Page 561