Nouveaux génomes anciens

Iain Mathieson vient de publier en preprint une seconde version de son papier: Eight thousand years of natural selection in Europe.

L’intérêt principal de cette nouvelle version est qu’elle présente de nouveaux génomes anciens en Europe:

  • 26 échantillons de fermiers Néolithiques du nord-ouest d’Anatolie dans la région de Marmara. Ils sont issus de deux sites distincts: Menteşe Höyük et Barcın Höyük. Ces villages se distinguent par leur poterie monochrome, une industrie osseuse sophistiquée, des habitats à pièce unique. Les sépultures sont nombreuses et sont individuelles. Les datations de ces deux sites se situent entre 6600 et 5600 av. JC.
  • 14 échantillons du chalcolithique Ibérien de la grotte El Mirador dans la région de Burgos. Voir l’article réalisé sur le papier concernant l’ADN mitochondrial de ce site. Ce site est daté entre 2880 et 2630 av. JC.
  • 1 chasseur-cueilleur de Karélie en Russie daté d’environ 5500 av. JC
  • 3 échantillons de la culture de Khvalynsk dans les steppes de Russie datés entre 5200 et 4000 av. JC. Ces tombes renferment les plus vieux objets de cuivre des steppes dans la région Volga-Oural, qui traduisent des échanges commerciaux avec l’Europe du sud-est. Une de ces 3 tombes contient un très grand nombre d’objets en cuivre (293) et représentent ainsi une élite de cette culture.
  • 5 échantillons de la culture de Poltavka dans les steppes de Russie datés entre 2900 et 2200 av. JC.
  • 3 échantillons de la culture de Potapovka dans les steppes en Russie datés entre 2500 et 1900 av. JC.
  • 14 échantillons de la culture de Srubnaya dans les steppes en Russie datés entre 2000 et 1200 av. JC.

En tout 230 anciens génomes de l’ouest de l’Eurasie ont ainsi été étudiés dans cette étude:
2015_Mathieson_Figure1A.jpg

Une Analyse en Composantes Principales a été réalisée:
2015_Mathieson_Figure1B.jpg

Les Néolithiques d’Anatolie sont éloignés des populations contemporaines du Proche-Orient, mais se rapprochent des premiers fermiers d’Europe. Leurs haplogroupes du chromosome Y sont les suivants: 7 G2a, 1 G, 2 H2, 1 H, 1 I, 1 I2c, 1 J2a, 1 C1a2. Leurs haplogroupes mitochondriaux: 9 K1, 4 N1a, 2 J1, 2 T2, 2 H, 2 U3, 2 X2, 1 W, 1 U8, 1 N1b. Toutes ces données supportent l’origine Proche-Orientale des premiers fermiers Européens. Ces derniers possèdent un peu de gènes issus des chasseurs-cueilleurs occidentaux. Plus le temps passe, et plus les fermiers d’Europe possèdent une forte proportion de gènes issus des chasseurs-cueilleurs occidentaux.

Les chalcolithiques Ibériens de la grotte de El Mirador sont génétiquement similaires aux populations du Néolithique Moyen d’Espagne, avec cependant encore un peu plus de gènes de chasseurs-cueilleurs occidentaux. Leurs haplogroupes du chromosome Y sont: 2 G2a, 4 I2a, 2 I et leurs haplogroupes mitochondriaux sont: 5 H3, 3 K1, 3 J, 1 X2, 1 H1, 1 U3. Ils n’ont pas d’ascendance en provenance des steppes, au contraire des populations d’Europe Centrale de la même période. Ainsi, l’ascendance ANE que l’on retrouve aujourd’hui dans toutes les populations Européennes (sauf peut-être en Sardaigne), est arrivée dans la péninsule Ibérique plus tard qu’en Europe Centrale.

Il y a 3 chasseurs-cueilleurs orientaux de Russie dont les haplogroupes du chromosome Y sont R1a, R1b et J, et les haplogroupes mitochondriaux sont C1, U5 et U4. Les chasseurs-cueilleurs Scandinaves correspondent à un mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs occidentaux et les chasseurs-cueilleurs orientaux.

Les auteurs ont étudiés 37 échantillons des steppes dans la région de Samara entre 5600 et 300 av. JC. Les trois individus de la culture de Khvalinsk montrent un mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs orientaux et une population d’affinité Proche-Orientale (très différente des Néolithiques Anatoliens) qui se rapproche de la population actuelle d’Arménie (voir les points gris tout en haut de la figure ci-dessus). Leurs haplogroupes du chromosome Y sont R1b, R1a et Q1a, et leurs haplogroupes mitochondriaux sont H2, U5 et U4. De manière intéressante l’individu situé dans la tombe la plus riche et qui constitue une élite de cette culture est de l’haplogroupe R1b.

Les individus des cultures Yamnaya, Afanasievo et Poltavka sont tous très homogènes génétiquement formant un groupe de l’Âge du Bronze des steppes. Ils possèdent entre 48% et 58% d’ascendance pseudo-Arménienne, et ne possèdent pas d’ascendance des premiers fermiers Néolithiques. Ils sont majoritairement de l’haplogroupe du chromosome Y R1b. Ensuite, la culture de Srubnaya de la fin de l’Âge du Bronze montre un changement génétique important dans la région vers 2000 av. JC. Ils possèdent environ 17% d’ascendance issue des premiers fermiers Néolithiques et sont majoritairement de l’haplogroupe du chromosome Y R1a. Des études précédentes avaient montré que c’était également le cas pour les individus de la culture de Sintashta reflétant une migration vers l’est à partir de la culture de la Céramique Cordée. Cependant, 4 échantillons Srubnaya sont de l’haplogroupe R1a-Z93 qui correspond à la branche asiatique de R1a, et est absent dans les génomes anciens d’Europe Centrale. Ainsi la source d’ascendance « fermiers Néolithiques » dans ces populations pourraient venir d’une autre source plus orientale que la Céramique Cordée, peut-être en provenance d’Asie Centrale.

L’absence apparente de R1a dans les steppes pendant les cultures de Yamnaya et Poltavka ne veut pas forcément dire que R1a n’était pas dans les steppes à cette époque, mais peut-être que les élites de ces cultures étaient toutes de l’haplogroupe R1b comme on peut le voir dans la culture de Khvalynsk. L’haplogroupe R1a correspondait peut-être à une population de plus basse condition de ces cultures. Ainsi le changement génétique qui apparait dans les steppes vers 2000 av. JC pourrait correspondre davantage au départ des élites R1b de cette région, qu’à l’arrivée d’une nouvelle population R1a.