Les marqueurs uni-parentaux de la population contemporaine d’Italie révèle un héritage pré-romain

Voici une seconde étude sur la génétique de la population italienne après celle de Alessio Boattini. En réalité, cette nouvelle étude date d’il y a un an, mais vient d’être corrigée. Elle est signée Francesca Brisighelli et est intitulée: Uniparental Markers of Contemporary Italian Population Reveals Details on Its Pre-Roman Heritage.

L’Italie a toujours été une destination privilégiée pour les populations d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Europe. Elles se sont installées principalement sur les îles ou le long des côtes, depuis les temps paléolithiques. Au mésolithique, le climat est devenu plus doux, et l’on trouve des traces sur toute la péninsule italienne. Au néolithique, l’économie des chasseurs-cueilleurs est remplacée par l’introduction de l’agriculture et de l’élevage. Au cours des âges des métaux, de nombreux déplacements de populations sont survenus entre le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient. Durant cette période, de nombreux contacts avec les Phéniciens et les Grecs ont eu lieu: les premiers essentiellement en Sardaigne et à l’ouest de la Sicile, les derniers en Italie du Sud. L’objectif de cette étude, est d’analyser les motifs de la variation des marqueurs uni-parentaux de l’ADN mitochondrial et de l’ADN du chromosome Y.

Un total de 583 échantillons a été étudié dans cette analyse, sur l’ensemble du territoire italien et représentatif de 12 populations différentes dont 2 sont des isolats linguistiques:Ladin et Grecani Salentini, et une autre: Lucera est une enclave historique d’Arabes venant d’Afrique du Nord. Pour tous ces échantillons, l’ADN mitochondrial a été testé dans la région de contrôle et sur certains SNPs de la région codante. Pour un sous-ensemble de ces échantillons comprenant 292 hommes, l’ADN du chromosome Y a été testé sur 17 SNPs. Enfin l’ADN autosomal a été testé pour un autre échantillon de 441 individus.

La diversité mitochondriale est la plus basse pour l’île d’Elbe. Elle est maximale pour l’Italie du sud. La diversité du chromosome Y est la plus basse pour les Ladins, dans le nord-est de l’Italie. La composition mitochondriale de l’Italie est typique d’une population européenne: 40% pour l’haplogroupe H, 3% pour I, 9% pour J, 11% pour T, 20% pour U, 3% pour V, 2% pour X et 1% pour W.
2012 Brisighelli Figure 1

Il y a cependant des différences selon les régions. Ainsi l’haplogroupe H représente 55% dans le nord de l’Italie, 46% dans le centre et 33% dans le sud. Les haplogroupes mitochondriaux d’origine africaine sont M1 (0,3%), U6 (0,8%) et L (1,2%).

Les 282 échantillons testés sur l’ADN du chromosome Y se répartissent en 22 haplogroupes différents:
2012 Brisighelli Figure 3

5 haplogroupes sont dominants: R1b-M269 (31%), J2-M172 (19%), I(xI2-M26) (8,3%), E1b-M78 (10,2%) et G (11,2%). R1b-M269 est plus fréquent dans le nord de l’Italie, alors que G, E1b-M78, J2 et I(xI2-M26) sont plus fréquents dans le sud et le centre de l’Italie. Les différences régionales sont plus importantes pour l’ADN du chromosome Y que pour l’ADN mitochondrial. Ainsi R représente 53% dans le nord, 29,3% dans le centre et 30% dans le sud. J2 représente 9% dans le nord, 29,3% dans le centre et 20,7% dans le sud.

52 marqueurs autosomaux ont été testés sur un ensemble de 435 individus, dans l’objectif de séparer leurs ascendances noire africaine, européenne et asiatique. Cette analyse a ainsi montré que les italiens ont environ 9,2% d’ascendance noire africaine supérieure aux pays européens du centre ou du nord de l’Europe. Ce taux est cependant équivalent aux autres pays méditerranéens:
2012 Brisighelli Figure 2

L’ADN autosomal ne montre donc pas de spécificité italienne: les échantillons italiens restent proches des européens.

L’étude de la population Ladine montre que la diversité génétique est plus faible que le reste de la population italienne. A l’intérieur des Ladins, la région de Val Badia a une diversité mitochondriale plus élevée. La fréquence de l’haplogroupe H de l’ADN mitochondrial est un peu plus élevée chez les Ladins (66%) que dans le reste de l’Italie du nord (55%). L’haplogroupe T est un peu plus faible (5%) que dans le reste de l’Italie du nord (7%). Concernant le chromosome Y, R1b-M269 atteint 53% chez les Ladins contre 31% en Italie du nord. De plus R1b(xR1b-M269) atteint 15% chez les Ladins contre 2% dans le reste de l’Italie du nord.

L’étude de la population Grecani Salentini montre que sa diversité génétique est similaire à celle des régions voisines. De même, les fréquences mitochondriales et du chromosome Y sont proches des régions voisines. Il n’y a pas chez les Grecani Salentini de présence notable d’haplogroupes nord africains.

La diversité génétique de la population de Lucera est proche de la diversité italienne. De même, les fréquences mitochondriales et du chromosome Y sont proches des régions voisines. Deux haplogroupes mitochondriaux M1 et U6 sont considérés comme nord-africains. Sur les 60 individus testés de cette population, un seul appartient à l’haplogroupe U6. Les 4 autres échantillons de l’haplogroupe U6 de cette étude sont tous originaires de l’Italie du sud. Deux échantillons de Sicile sont de l’haplogroupe M1, mais aucun de Lucera. Il n’y a donc pas d’influence nette nord africaine à Lucera.
2012 Brisighelli Figure 4

Les variations de l’ADN du chromosome Y montre un gradient nord-sud dans la péninsule italienne. Ces données sont supportées par les découvertes archéologiques et par les données linguistiques. Ainsi l’haplogroupe R1b montre un décroissement constant du nord vers le sud, alors que l’haplgroupe J2 montre au contraire un accroissement dans la même direction. Les auteurs associent R1b à un signal mésolithique et J2 à un signal néolithique. Ces allégations sont cependant contraire à ce que montrent les tests d’ADN ancien en Europe puisque R1b ne semble pas arriver en Europe avant la fin du néolithique. Un gradient existe également pour l’ADN mitochondrial. Là encore les auteurs affirment que les haplogroupes H, K, T*, T2, W et X sont paléolithiques, alors que les test d’ADN ancien montrent que les haplogroupes paléolithiques en Europe sont essentiellement de l’haplogroupe U avec quelques R0, HV et H en Europe du sud. Les haplogroupes H, K, T*, T2, W et X observent un gradient avec une décroissance du nord vers le sud. A l’inverse les haplogroupes J et T1 (associés par les auteurs à un signal néolithique) montrent une croissance du nord vers le sud. Les auteurs associent également l’haplogroupe E1b-M78 avec un signal néolithique. Il a une fréquence de 8% dans le nord et le centre de l’Italie et 11% dans le sud. Par contre, l’haplogroupe E1b-M81 est associé à un signal berbère d’Afrique du nord.